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Les entreprises, au secours de la démocratie ?
Publié le 08.01.2025

C’est plus en accordant de la valeur à ses salariés, à leur autonomie et leur travail qu’en participant aux controverses du débat public qu’une entreprise peut agir pour la démocratie, plaide Axel Parkhouse, président du Groupe Arthur Hunt.

« L’organisation de référendums internes est plébiscitée par plus de 90 % des salariés. »

À mesure que la démocratie se fragilise, les entreprises sont soumises à l’injonction de prendre position sur des enjeux de société. Face à la délégitimation des acteurs institutionnels, la tentation de leur engagement grandit… avec un risque grandissant de backlash, dans un contexte où les espaces consensuels de communication se réduisent.

Et si finalement c’était d’abord à l’intérieur des entreprises que se jouait la question démocratique ? L’étude que nous avons menée chez Arthur Hunt incite à approfondir cette conviction : c’est plus en travaillant sur la qualité du travail que les entreprises soutiendront notre démocratie qu’en rentrant dans les controverses du débat public. Au-delà des slogans politiques sur la « valeur travail », c’est la valeur du travail qu’il nous faut promouvoir.

Polarisation des salariés

52 % des salariés français considèrent que les entreprises ne doivent pas prendre position sur les sujets de société et 57 % que celles qui ont appelé au front républicain en juin dernier « ne sont pas dans leur rôle », soit une majorité absolue pour appeler l’entreprise à la neutralité. Non sans quelques clivages : les jeunes et les électeurs de gauche plébiscitent l’engagement des entreprises quand les actifs plus âgés, les électeurs de droite et d’extrême droite y sont hostiles.

L’entreprise n’échappe pas à des espaces conversationnels gagnés par la fièvre de la polarisation. L’actualité nous en offre un exemple tout récent avec les critiques émises par les admirateurs de Jaguar, à la suite d’une campagne jugée trop « woke ». Le rôle d’acteur public est pavé d’embûches pour les entreprises. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’elles n’ont pas les moyens de soutenir la démocratie. Notamment en se… démocratisant.

Accorder de la valeur aux salariés

Pourquoi démocratiser l’entreprise ? Les travaux du philosophe John Dewey ont montré l’importance du travail dans la socialisation politique d’un individu. C’est en cela que l’entreprise a une responsabilité fondamentale. Oui, une entreprise qui accorde de la valeur au travail, de la considération à ses salariés, qui promeut leur autonomie, leur formation et leur promotion interne, qui respecte le droit à la critique, crée des salariés-citoyens bien plus attachés à la démocratie que celle qui fait l’inverse, et qui nourrit du ressentiment et de la défiance. 61 % des Français qui se déclarent « pas du tout satisfaits » de leur vie ont voté RN au premier tour des élections législatives, pour 15 % seulement de ceux en étant « très satisfaits ».

L’économiste Thomas Coutrot, dans son étude « Le bras long du travail », a mis en évidence le lien entre le degré d’autonomie au travail, capacité d’expression des salariés sur leur lieu travail et comportements électoraux. Toutes choses égales par ailleurs, à niveau de diplôme, âge, équivalents, l’absence d’autonomie au travail renforce nettement l’abstention aux élections, quand la possibilité de s’exprimer sur son lieu de travail oriente le vote des salariés vers les candidats du centre ou de gauche alors que les horaires décalés et la pénibilité conduisent plutôt au vote RN. Dit autrement, être attentif dans les entreprises à la valeur du travail, écouter les salariés, leur donner du pouvoir d’agir a un effet positif sur la santé démocratique du pays !

Une entreprise qui accorde de la valeur au travail, de la considération à ses salariés et qui promeut leur autonomie crée des salariés-citoyens bien plus attachés à la démocratie que celle qui fait l’inverse.

Référendums internes

Comment démocratiser ? Les entreprises doivent répondre aujourd’hui, comme le politique d’ailleurs, à une demande de démocratie directe. La crise de la représentativité affecte le salarié en entreprise autant que le citoyen en République. C’est donc sans surprise que l’organisation de référendums internes est plébiscitée par plus de 90 % des salariés. C’est avant tout sur le quotidien, le temps et d’organisation du travail qu’ils souhaitent être consultés, bien plus que sur des questions financières ou stratégiques. Ils veulent être écoutés, entendus mais pas patrons à la place du patron !

La démocratie d’entreprise doit aussi mieux répondre aux demandes d’égalité et de plus grande mobilité sociale et professionnelle, grâce à la formation. La question des inégalités d’autonomie, notamment celles induites par la diffusion du télétravail est un des défis majeurs devant nous. Si la démocratie et le refus du populisme sont leurs combats, alors la feuille de route est claire. Plutôt que parler en dehors, les entreprises doivent agir en interne.

Axel Parkhouse, Président du Groupe Arthur Hunt