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Analyse étude Jérôme Fourquet
Publié le 09.08.2022
Préface de Jérôme Fourquet Directeur du Département Opinion à l’IFOP
L’IFOP a réalisé pour Arthur Hunt, en partenariat avec Bona fidé, une étude exclusive et inédite auprès d’un échantillon robuste et représentatif de 500 cadres dirigeants et managers de haut niveau des entreprises françaises de plus de 50 salariés[1]. A l’heure où le travail, des difficultés de recrutement aux mobilisations sociales pour les salaires, prend une place grandissante au sein du débat public, elle permet de dresser un état des lieux précis de l’état d’esprit des cadres en cette rentrée 2022. Impact du télétravail, attentes éthiques, compréhension des mouvements de jeunesse : cette étude révèle que les grands débats qui traversent notre société touchent aussi de plein fouet les directions des grandes entreprises françaises.

La « grande démission » semble ainsi s’imposer dans les imaginaires. Et les cadres dirigeants et managers de haut niveau ont des envies d’ailleurs. 58% se disent « tentés » de démissionner dans les mois qui viennent pour changer d’entreprise ou d’activités, 40% étant notamment attirés par le free-lance ou l’entrepreneuriat. S’il y a un pas entre la déclaration et l’acte, la tentation de la démission semble bien aussi toucher les cadres de haut niveau, et bien moins liée à des insatisfactions à l’égard du management de « leur » entreprise qu’à une recherche de sens et à une modification profonde du rapport au travail.

En effet, les managers et dirigeants entretiennent un rapport positif à la direction générale de leurs entreprises. Ils se disent engagés dans la transformation de leurs entreprises, satisfaits de leur direction générale, qui leur paraît disposer des capacités et attributs requis, et de leurs relations avec leur N+1. Dans le détail :

-76% des dirigeants et des managers se disent « investis et engagés » dans la transformation de leur entreprise. Interrogés à caractériser en question ouverte, de manière spontanée, cette transformation, les cadres dirigeants et managers citent principalement le télétravail comme changement récent le plus important. Il y a bien de ce point de vue un avant et un après Covid, avec sans doute un véritable effet de cliquet sur lequel il sera difficile de revenir.

-84% (96% des dirigeants, 74% des managers) ont une bonne image de la direction de leur entreprise.

-87% (96% des dirigeants et 80% des managers) se disent « satisfaits » de leurs relations avec leur N+1 et jugent qu’ils disposent des qualités requises dans sa fonction.

C’est donc plus la modification profonde du rapport au travail qu’une insatisfaction sur le management qui fonde les envies d’ailleurs des cadres et managers.

Ce changement sociologique de représentations sur le travail et la carrière est également perceptible dans la montée des attentes éthiques et la demande d’entreprises plus responsables.

Ainsi, le respect des collaborateurs (69%) et l’éthique et l’honnêteté (68%) se classent en tête des qualités jugées « très importantes » pour un dirigeant, devant le leadership, la vision stratégique, les compétences et la capacité d’innovation.

La « sociétalisation » des entreprises, c’est-à-dire la montée des attentes morales à leur endroit, ne concerne pas que les consommateurs, elle touche aussi les salariés, y compris les cadres et managers de haut niveau.

Ces attentes d’éthique et de respect pourraient bien devenir des critères-clés de recrutement à l’avenir. Autre signe des changements à l’œuvre, les cadres et managers « installés » regardent avec sympathie les mouvements de jeunesse contre le réchauffement climatique. Plus de trois quarts des dirigeants et managers (88% des dirigeants, 69% des managers) disent « comprendre » les mouvements de protestation des diplômés des grandes écoles à Agro-Tech, Sciences Po, HEC ou Polytechnique contre les entreprises perçues comme insuffisamment responsable en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Un niveau de compréhension qui culmine chez les jeunes cadres (88%) et les dirigeants et managers de la région parisienne (80%). Pas de clivage générationnel donc sur ce point, les jeunes montrent la voie, les cadres installés et plus âgés semblent suivre ! Enfin, cette enquête permet pour la première fois de faire un état des lieux des perceptions en entreprise des managers de transition, un des cœurs de métiers d’Arthur Hunt. Elle montre qu’ils bénéficient d’une image positive et sont considérés comme utiles par une large majorité des dirigeants et de managers, avec toutefois des différences d’intensité notables entre les deux :

-96% des dirigeants et 63% des managers ont une image positive des managers de transition

-68% des dirigeants et 61% des managers jugent que recourir à des managers de transition est utile

-40% des dirigeants et managers jugent que les managers de transition sont aussi utiles en période de croissance de crise, 23% qu’ils sont d’abord utiles en période de croissance, 18% qu’ils sont d’abord utiles en période de crise, 19% considérant qu’ils ne sont jamais utiles. Le management de transition est, de fait désormais plus perçu comme un levier structurel de développement que comme un pompier et une solution conjoncturelle à une crise.

Dans un contexte où le rapport au travail se modifie, où les carrières ne sont plus linéaires, où l’éthique compte, le management de transition pourrait bien constituer une solution d’avenir, tant pour les cadres et leurs aspirations individuelles au changement et à une vie professionnelle « plurielle » que pour les entreprises, en les aidant à pallier leurs difficultés de recrutement. De fait, le modèle du management de transition pourrait bien se redéfinir et se réinventer à l’aune des changements sociaux en cours.

[1] Enquête menée auprès d’échantillons représentatifs de 200 cadres dirigeants et 300 managers encadrants d’entreprises de plus de 50 salariés du 30 août au 14 septembre.

Jérôme Fourquet
Directeur du Département Opinion et Stratégies d’entreprises de l’IFOP