Bénédicte Tilloy , ex-membre du COMEX de la SNCF, cofondatrice de start-ups, professeur à Sciences Po, artiste, auteur et administratrice de sociétés nous fait l’honneur d’être la marraine de la première promotion du programme « Choisir le plein potentiel ». Elle nous partage son engagement :
Bonjour Bénédicte, vous avez accepté avec enthousiasme d’être notre première marraine, nous en sommes ravis. Qu’est-ce qui, dans ce programme de leadership pour femmes, vous a inspirée ?
Ce qui m’a particulièrement plu dans le programme Choisir le plein potentiel, c’est l’idée qu’on puisse s’exercer à développer son leadership avec un groupe externe à son entreprise. Cela aide à libérer sa parole, aux côtés de femmes concernées par les mêmes sujets que soi, qui sont des alliées et pas des concurrentes potentielles.
Je pense que c’est une super idée de partager son expérience pour faire gagner du temps aux autres femmes et en gagner soi-même ! En ce qui me concerne, j’ai découvert certaines choses beaucoup trop tard dans ma carrière. Par exemple, qu’il est important de se construire un réseau pendant qu’on n’en a pas encore besoin. On est beaucoup plus à l’aise ensuite pour solliciter les conseils ou le soutien de personnes que l’on connaît bien ; l’inverse est vrai aussi, il est plus facile d’aider quelqu’un que l’on a déjà rencontré.
Les femmes ne considèrent pas toujours que développer son réseau fait partie du job. Parfois, elles peuvent même penser que c’est au détriment du travail quotidien. Or, c’est un investissement qui sert dans tous les cas. Quand on est visible en externe, on est aussi visible en interne, c’est pourquoi je trouve le format « interentreprises » du programme Choisir le plein potentiel vraiment intéressant.
Dans les choses que je voudrais aussi partager, il y a cette croyance qu’il existe une sorte de modèle de dirigeant et qu’il faudrait s’y conformer. Moi j’ai envie de témoigner sur le fait que le seul modèle à suivre, c’est le sien. Bien sûr, pour se trouver, il faut « faire ses griffes », s’entraîner avec d’autres avant de se jeter à corps perdu dans le job quand on est nommée. Là encore, c’est plus facile de le faire à l’extérieur de son entreprise qu’à l’intérieur.
Je voudrais dire aux futures dirigeantes de faire vraiment l’effort d’apprendre qui elles sont, « en vrai » et de s’écouter. Je dis « en vrai » car on entend beaucoup de discours convenus qu’on reprend à son compte quand on est une bonne élève. Je pense qu’il vaut mieux écouter ses petites voix intérieures. Généralement, elles nous disent qu’on a intérêt à développer ses points forts plutôt que de passer du temps à corriger ses points faibles.
En quoi votre engagement à être marraine de « Choisir le plein potentiel » fait-il écho à votre engagement envers l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ?
J’ai l’impression qu’il faut particulièrement veiller à ces programmes de leadership pour les femmes en ce moment où on entend monter une petite musique de « backlash », depuis les Etats-Unis notamment.
J’ai envie de dire « »les filles, ne soyez pas naïves, la carrière, ce n’est pas qu’une question de compétences ».
Moi, j’ai eu la chance d’arriver après une génération de militantes. Des femmes avant moi ont dû se battre pour arriver aux fonctions exécutives. J’ai eu la chance d’avoir des conseils de mentors engagées. Lorsque j’ai demandé à l’une d’elles comment je pouvais faire pour la remercier, elle m’a répondu : « Faites la même chose quand ce sera votre tour ».
Être marraine du programme m’en donne l’occasion. Nous avons toutes le devoir de nous faire la « courte-échelle ».
Par ailleurs, je souhaite créer un espace protégé qui permette aux femmes de se parler des « petites choses » de la vie féminine comme les fameuses 3M : Menstruation, Maternité et Ménopause. Des sujets qui ne sont pas faciles à aborder en entreprise et qui, mine de rien, peuvent avoir un impact sur la carrière.
Pour ma part, c’est un sujet qui a été douloureux car j’ai perdu mon premier bébé. A côté de la carrière de dirigeante, j’ai aussi voulu réussir une « carrière personnelle de Maman ». Il n’y a pas vraiment de mode d’emploi, mais ce qu’on a osé donne du courage à celles qui sont aussi concernées.
Vous avez eu des responsabilités de dirigeante dans des univers très masculins. Comment avez-vous trouvé votre juste place ?
Je crois que j’étais totalement le contraire des profils qu’il fallait pour diriger à la SNCF. Je ne suis pas ingénieure, je suis une femme et j’ai un style presque « girly » : j’aime mettre des talons, des robes, porter du rose…
Pourtant j’ai eu des postes de management de métiers techniques. Avoir une femme comme Directrice n’était sans doute pas naturel pour certains de mes collaborateurs, et j’ai dû inventer ma manière de les diriger. Je crois y être parvenue, avec mon propre style. Finalement c’est une bonne chose d’avoir été différente.
J’ai toujours aimé les challenges et je suis créative. J’aime inventer des solutions quand il n’y en a pas. J’avais été repérée lors d’un gros projet d’évolution de la tarification de la SNCF. Ça a plutôt bien marché. J’ai eu la responsabilité des contrôleurs de train après une série de mouvements sociaux. Personne ne savait comment faire. L’idée de Louis Gallois a été de mettre cette nana un peu différente sur le coup. Au pire, je ne faisais pas mieux que mes prédécesseurs ! Finalement ça a été une opportunité pour moi. Par la suite, je crois avoir été le joker des situations difficiles pour lesquelles il fallait s’y prendre autrement.
C’est ça que je veux transmettre : comprendre ce qui nous rend singulière et oser sa singularité. Car, lorsqu’on vous confie une fonction de COMEX, on vous donne du pouvoir. Si vous savez ce qui vous rend meilleure ou moins bonne que les autres, vous pouvez devenir puissante et démultiplier le pouvoir qui vous est donné.